Un retour basque
Salut ! Ici François !
On a commencé notre journée en arrivant une demi-heure en retard au
déjeuner, gracieuseté du changement d’heure qu’on n’avait pas fait en arrivant
à Port Hope Simpson. Oups… Ah oui, parce qu’il y a beau n’y avoir qu’un peu
plus de 30 000 personnes dans tout le Labrador, ils ont deux fuseaux horaires.
Le sud, de l’Anse-au Clair à Port Hope Simpson, vit sur l’heure de Terre-Neuve,
une heure et demie plus tard que l’heure du Québec. Le centre, l’ouest et le
nord du Big Land, par contre, vivent à l’heure normale de l’Atlantique, soit
une heure de plus que dans la Belle province. Avec la proximité du Québec qui
évolue aussi à une heure différente des deux autres citées ci-haut, le Labrador
est vraiment le paradis des gens qui aiment pitonner sans arrêt sur leurs
horloges de voiture. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
(Soit dit en passant, le déjeuner était très acceptable, servi par
ailleurs dans un café bien mignon adjacent au B&B. Allez manger là si vous
passez dans le coin !) (MP :
Ouin, genre, faites pas le détour pour ça, mais vu l’absence d’alternative,
c’est un bon choix haha…)
Il était déjà 10h30 quand on a de nouveau frappé la route, Jacques
(comprend qui veut). (MP : ouf pas ta meilleure celle-là François). En peu
de temps, on était de retour à Mary’s Harbour, où on comptait bien se délier
les jambes. Selon notre guide du Labrador, il nous restait 2 sentiers à faire
dans le coin. Le premier, Barney’s Pond, était décrit comme un boardwalk autour
d’un lac, mais on n’en précisait pas la longueur. Et pour cause : je pense
que l’étang faisait 50 mètres carrés ! Faire le tour des passerelles à
moitié envahies par la végétation a dû nous prendre un gros 5 minutes
haha ! On a eu plus de succès avec l’autre sentier vers Gin’s Cove, dont
les marches défoncées nous menaient vers une petite anse où il a fait soleil
pendant au moins 3 minutes J
En passant, c’est intéressant de constater qu’un nationalisme local
semble bien enraciné au Labrador. En effet, ici, vous verrez partout le joli
drapeau du Big Land, bleu, vert et blanc avec un rameau de feuillage nordique.
En tout cas, à Mary’s Harbour, on aurait dit que chaque maison avait le
sien ! Bien qu’on aperçoive à l’occasion quelques unifoliés, n’essayez pas
cependant de dénicher un drapeau terre-neuvien. De fait, outre sur les rares
édifices provinciaux, on n’en voit nulle part. Il y a vraiment ici un sentiment
d’appartenance et une fierté bien particulière. C’est en partie pour des
raisons géographiques : le Labrador et Terre-Neuve sont physiquement
séparés par la mer, les distances sont longues et St. John’s paraît ainsi bien
loin des communautés et des préoccupations du continent. Peu peuplé, le
Labrador n’a longtemps été occupé que sur son littoral (et encore, souvent en
été seulement). Ce n’est que dans les années 1920 que l’intérieur ne sera
rattaché au territoire, lequel ne sera développé que bien des décennies plus
tard. Bref, pour Terre-Neuve, le Big Land était historiquement une arrière-cour
un peu secondaire. Le gouvernement de St. John’s a d’ailleurs tenté de s’en défaire
à plusieurs reprises au début du siècle dernier pour rembourser ses dettes !
Disons que ça ne cimente pas une relation, et on peut comprendre que,
politiquement, les Labradoriens se sentent différents de leurs compatriotes
insulaires. Bien sûr, depuis les années 1960, le Labrador est soudainement
devenu important pour St. John’s en raison de son potentiel hydroélectrique et
minier. Cependant, la saga de Churchill Falls, réglée au détriment de
Terre-Neuve, et les déboires récents entourant la construction de la centrale
de Muskrat Falls tendent à perpétuer le déséquilibre entre les visées de l’île
et les réalités des populations du continent. Ajoutez à ça des identités
autochtones et métis propres (Innus et Inuit), un gouvernement semi-autonome au
Nunatsiavut et des relations compliquées avec le Québec, et vous avez un
amalgame politique finalement assez complexe pour un lieu où si peu de
personnes résident !
Mais trêve de considérations politiques. Après ces deux balades, on a
repris la route vers le sud. Une heure plus tard, c’est un soleil radieux qui
nous accueillait au décidément joli village de Red Bay, perché sur des rochers
surplombant la baie éponyme. Au bout de la petite route se rendant au village
figurait le fameux Whaler’s Restaurant. Marie-Pascale m’avait cassé les
oreilles depuis mon arrivée à Blanc-Sablon avec cet endroit et ses réputés fish
and chips. Franchement, je dois avouer qu’ils étaient excellents : sans
doute les meilleurs du Labrador (et on a presque fait tous les restaurants haha) !
On a ensuite visité l’intéressant centre d’interprétation du site
baleinier basque, juste en face du resto. Je vous ai déjà parlé des pêcheurs
basques qui venaient, aux XVIe et XVIIe siècle, chasser la baleine dans le
détroit de Belle-Isle. Ils avaient des stations de dépeçage, de fonte et de
mise en tonneau de l’huile de baleine partout sur la côte, mais la plus
importante était ici, à Red Bay (aujourd’hui un site de l’UNESCO). Ce port très
bien abrité se prêtait particulièrement bien à cette activité dangereuse mais
lucrative qui attirait chaque été des centaines d’hommes des pays basques
français et espagnol. On a trouvé tout autour de la baie des traces des fours
où les Basques faisaient fondre la graisse ainsi que les fondations de leurs
installations temporaires. Bizarrement, les Basques ne pouvaient envisager
leurs toits sans les tuiles rouges typiques d’Espagne et les amenaient donc
avec eux au Nouveau-Monde. On en trouve donc encore des fragments partout
sur la côte du Labrador !
Après la visite, on a pris le bateau pour aller marcher sur Saddle
Island, l’île qui barre la baie de Red Bay. Ça nous a permis de voir les
dépressions ayant un jour contenu des fours, des bâtiments et un cimetière :
disons qu’on n’aurait pas été d’excellents archéologues ! En tout cas la
promenade était fort agréable en ce bel après-midi ensoleillé presque irréel
dans ce coin de pays. Au loin, un bel iceberg de bonne taille se découpait sur
l’horizon azur. Pas facile la vie !
De retour sur la terre ferme, on a gravi les marches menant au sentier
de Tracey Hill, d’où on avait une très belle vue sur le havre de Red Bay. On a
terminé notre visite par une promenade sur la grève via la bien-nommée Boney
Trail. C’est sur cette plage que les Basques laissaient les ossements de
baleine une fois qu’ils les avaient dépecées. Encore aujourd’hui, on trouve
toujours d’énormes vertèbres de cétacé un peu partout sur la rive.
Notre visite de Red Bay s’est achevée tout juste avant le retour de la
pluie, qu’on a subie sur la route nous menant au village voisin de Pinware. Une
fois l’ondée passée, on y a fait un arrêt au parc provincial local, grosso modo
une langue de sable s’avançant à l’embouchure de la rivière Pinware. Un bel
endroit pour camper, voire même pour barboter si on est téméraire, mais le
sentier qu’on espérait y faire était finalement fermé. Ce fut donc le début de
notre retour final vers Blanc-Sablon ! Sur la route, près de West St.
Modest, le Labrador nous a fait un ultime clin d’œil en nous envoyant un énorme
iceberg ! Honnêtement, il devait être étendu comme une petite île et haut
de 5 étages ! Finalement, Marie-Pascale avait raison, les icebergs locaux
sont massifs !
Pour ne pas immédiatement quitter le Labrador, on a soupé d'une
sandwich sur le pouce au Robin’s de l’Anse-au-Clair. Les choix végétariens de
ce Tim Horton’s local n’ont pas emballé Mémé : mon ciabiatta au poulet
avait l’air nettement meilleur !
Devinez où s’est terminé notre aventure nordique ? À l’hôpital,
bien sûr ! À Blanc-Sablon, j’y ai tout de suite reconduit Marie-Pascale,
qui devait préparer ses dossiers pour le lendemain. Si c’est pas du dévouement
ça !
C’est ce qui conclut notre tournée du Labrador ! Merci encore
d’avoir été des nôtres, on apprécie toujours autant vos commentaires ! À
bientôt !
(MP : Merci ! Et merci François !)
Commentaires
Publier un commentaire